Première sortie terrestre. [PV Seth]

Eris avait longtemps, longuement respiré l'air frais autours d'elle. La terre était un endroit étrange, plein de contraste et de contrariété, d'imperfections et de contradictions. La petite île sur laquelle elle se trouvait- entourée d'autres personnes qui pour la plupart la fixaient avec des yeux ronds, fous de peur et de curiosité- cette petite île semblait être comme un purgatoire terrestre. Des hommes et des femmes en haillons, grossiers pour la plupart, avançaient, trainés par de longues chaînes, entourés d'autres humains armés de bouts de bois.

Une personne rentra grossièrement dans Eris, ce qui lui fit lentement tourner ses iris, rouge sang, vers elle. Ses veines remplies de lave pulsaient au rythme de son cœur démoniaque, faisant rougeoyer sa peau noir ébène et semblaient effrayer la personne éméchée, munie d'un collier, qui la fixait d'un regard maniaque, avant de se faire rattraper par deux gardiens qui lui tapèrent dessus pour le mettre hors d'état de nuire.

La succube eut un fin sourire, le contrat promettait d'être amusant... si elle pouvait martyriser et jouer à sa guise avec ces petites personnes inoffensives, elle allait certainement s'y plaire plus que de raison. Ne prenant pas la peine de revêtir son apparence humaine, Eris continuait d'avancer, inlassablement, sur cette longue pente, accompagnée par des sifflements et des cris de peur et de curiosité. Les gardiens même des prisonniers semblaient la craindre, s'ils l'avaient connue pourtant ils auraient su qu'elle n'était en rien dangereuse, et même qu'elle n'aimait pas tuer inutilement.

Plusieurs fois, elle adressa des clins d'œil à un ou deux démons qui eurent un sourire crétin et lui firent des signes de griffe, enfin, de main, avant de reporter leur attention sur les prisonniers qu'ils escortaient jusqu'à leur prochaine demeure. Intérieurement, la démone se demandait si elle aurait un payement, quelque chose en échange des quelques années de sa très longue vie qu'elle gaspillait ici, à garder quelques malades qui de toute façon finiraient par mourir. après tout, rien n'était éternel... sauf elle peut-être, mais la vie n'avait pas de sens, de durée ou d'importance pour une démone qui n'avait même pas la notion du temps. Chez elle, elle était tout juste adulte, tandis qu'ici, elle remplissait un livre d'histoire à elle seule.

Portant son attention sur la porte qui se dessinait enfin devant elle, la succube accéléra un peu le pas, nullement fatiguée mais un peu pressée de découvrir sa nouvelle demeure. Son inattention la fit légèrement glisser sur le sol, elle se rattrapa de son autre pied qui glissa également, la faisant trébucher et tomber sur deux bons mètres, éraflant de part et d'autre sa peau démoniaque le long de sa jambe et sa cuisse sur le sol granuleux.

Doucement, lentement, sous les rires incongrus des prisonniers, la démone se leva et fronça les sourcils. Elle ne craignait pas la douleurs, mais la lave coulait avec un peu trop de joie le long de sa jambe et sur le sol, et les autres risquaient de s'en rendre compte. Jurant et grognant, elle essuya les gouttes et les lança au sol, formant un amas de pierre en cours de refroidissement. Elle ne tarda pas à sentir tout près d'elle une présence qui lui tira un petit sourire. Quelqu'un semblait avoir remarqué son étrangeté.

Eris avait observée en silence, sans bouger la fine poussière prendre possession du crève-la-faim qui s’était approché d’elle imprudemment. Elle avait doucement sourit alors qu’il avait porté la mai à sa bouche et son nez, s’était tordu dans tous les sens, et avait même ressenti une légère empathie envers ce pauvre bougre qui luttait en vain contre la possession. Les iris rouges du prisonnier famélique tira un large sourire à Eris, il était bel et bien possédé, et par un démon qui n’était pas des moindres si elle en croyait l’odeur de souffre qui s’en dégageait.

"Bienvenue à la Petite Enfer jeune sœur. L'on m'a donné plusieurs noms au cours de ma longue existence... mais le premier nom qui me fût attribuer fût... Seth et voici.... Azkaban."

Lentement, la succube élargit son sourire de tentatrice et se releva, essuyant le reste de lave qui avait déjà cicatrisé sur sa jambe, laissant derrière elle une longue traînée de pierre en cours de solidification. Le visage de la succube se tourna alternativement vers le possédé puis vers les gardiens qui attendaient patiemment qu’on leur rende leur prisonnier. Avec un regard charmeur, elle leur fit signe de le lui laisser. Ces sorciers étaient vraiment des idiots finis.

« C’est un soulagement de rencontrer enfin quelqu’un d’autre qu’un sorcier ou un fugitif Seth… je suis enchantée de te connaître. Là d’où je viens, on me nomme la Discorde, Eris, ils ne supportent pas mes sources d’amusement… Et je suppose que cet… Azkaban ? Sera ma future demeure pendant quelques années… »

Elle avait tourné son joli visage vers la forteresse qui se dressait devant elle et avait continué sa marche, invitant du regard Seth à faire de même, n’étant pas en mesure de faire des manières parce qu’il était démon, et parce qu’elle était succube. Après tout si elle était destinée à le voir quotidiennement pendant dix ou cent ans, elle n’avait pas besoin de se prendre la tête à essayer d’être polie. D’autant que chez les démons, ce n’était pas monnaie courante.

« Ce misérable corps dont tu te sers pour m’accueillir, devons-nous l’accompagner dans ses appartements ? »

Son sourire s’était élargi, et son apparence était fugitivement revenue, dans un tourbillon de veines orangées pulsant paresseusement. Elle était intriguée par Seth, il fallait dire aussi que cela faisait un moment qu’elle n’avait rencontré un démon autre qu’un imbécile sans cervelle qui courait partout à la recherche d’une femelle.

"Absolument répugnant" souffla la démone en voyant le corps de l'autre en face d'elle se décomposer peut à peu. Elle dut retenir un petit haut le coeur. Aussi succube fut-elle, elle avait comme quelques réticences à la violence pure, et au gore de ce style-là. Elle était à demi étonnée seulement par l'aura que dégageait Seth, une aura malsaine, pleine de perversité, mais pas la même que la sienne, le démon en face semblait... tout simplement sadique.

Réprimant un faux sourire, elle haussa les épaules en l'entendant la charrier sur le temps qu'elle passerait ici. Ce n'était certes rien, ce temps-là, mais c'était tout de mêmes des années! Et elle comptait bien en profiter au maximum, même coincée sur cette île. Eris était en quelques sortes elle-même prisonnière de cet endroit, bien qu'il lui suffisait de tuer simplement celui qui l'avait invoquée pour pouvoir vivre en toute liberté, elle sentait déjà une certaine attirance pour cet endroit maudit. Il dégageait une incroyable puissance de pêché charnel et passionnel, mais aussi de vengeance, amour volé et pleurs. Un véritable délice pour elle qui avait pendant longtemps servi aux bas besoins des autres démons. Elle n'était plus une demi-victime, maintenant c'était elle la chasseresse.

"Quelle horreur, laissons au moins les dépouilles humaines reposer dans une boîte comme ils le font d'habitude, je pense que c'est un peu trop que d'imposer la vue d'un corps couvert de pustule à ses compagnons de cellule, surtout que certains d'entre eux pourraient le connaître. Oh, quel tue-l'amour, vraiment!"

Elle avait passé une main dans sa chevelure blonde emmêlée par le vent, ne jetant qu'un coup d'oeil dégoûté au corps en cours de décomposition de son frère. Les autres autours leur jetaient des regards apeurés, elle eut un rire cristallin qui en fit frémir quelques uns, inconsciemment, elle était terrifiante et aimait cela, la crainte pouvait se lire sur tous les visages, certainement parce que les autres devaient croire que le prisonnier à demi-crevé était son oeuvre. Eris n'avait jamais fréquenté les humains, mais l'odeur entêtante des jeunes vierges se mêlant aux autres corps souillés par le crime était un reflet particulièrement marquant de la réalité : les hommes finissaient tous par devenir sales...

"Je t'avouerai que je ne les ai jamais fréquentés, j'aurais un peu de mal à porter un jugement sur eux, mais de ce que je vois... ils n'ont pas l'air très solide..."

Un coup de fouet retentit à côté, un homme maigrichon tomba en se tenant le bras, un tatouage immonde de serpent sortant d'une tête de mort bien visible à l'intérieur de son avant bras. Quelle hérésie, quitte à choisir un tatouage autant en faire un dans un endroit inattendu, surprendre, et surtout d'un meilleur goût que ce dessin simpliste et sans aucun sens.

"Ils n'ont en revanche aucun sens de l'esthétisme, c'en est effrayant..."

La succube se rapprocha de Seth et lui prit le bras, comme pour l'entraîner plus loin de ce qui était pour elle le pire des pêchés : le manque de goût!